Qui était vraiment Sébastien Erard ? Vous voulez en savoir plus sur ce génie du piano ? Je vous propose de lire cette biographie dont j’ai emprunté des extraits au site Pianos Romantiques, qui illustre mon travail à l’Atelier autour de la restauration de ce très joli piano « crapaud » 1930 du grand Erard.
Sébastien Erard (1752-1831) naît à Strasbourg, ville où s’est établie sa famille vers 1725, venant de Suisse.
Le contexte familial joue sans doute un rôle déterminant dans son orientation future : son père et son frère aîné sont ébénistes, et on retrouve dans sa famille proche des doreurs sur bois ou des sculpteurs. Comme dans le cas de Broadwood, la maîtrise du travail du bois est un atout pour se lancer dans la construction de pianofortes.
Selon Pierre Erard (1794-1855), le neveu de Sébastien, « Sébastien et Jean-Baptiste Erard […] s’installèrent à Paris comme facteurs d’instruments dans les années 1770-75. Très vite le pianoforte s’affirme comme un rival du clavecin. Les Erard sont parmi les premiers fabricants à s’y intéresser, la harpe ne venant que plus tard ». Fétis, de son côté, qui semble très bien informé sur de nombreux points, affirme que l’installation du jeune Sébastien à Paris se serait faite vers 1768, époque à laquelle il aurait commencé son apprentissage chez un facteur de clavecins.
Quelques années plus tard, il est prêt à fabriquer ses propres instruments : un clavecin mécanique, fait pour M de la Blancherie, lui permet d’asseoir sa réputation. L’appui de la duchesse de Villeroy fournit un premier tremplin à sa carrière : elle lui fournit un atelier à l’hôtel de Villeroy, où il réalise pour elle un carré en 1777.
Erard avait apparemment le don d’obtenir des appuis haut placés : il bénéficiera de la protection de Louis XVI en 1785 contre la guilde des luthiers qui voulaient s’opposer à sa fabrication, et il fournira plusieurs instruments à Marie-Antoinette : un piano carré, un piano organisé, et un piano transpositeur.
Si l’on regarde maintenant les premiers instruments conservés, on peut citer un clavecin mécanique daté 1779, qui permet des effets de crescendo grâce à un jeu de pédales, et un carré daté 1781, année où les Erard s’installent rue du Mail.
Les premiers pianos à queue de forme clavecin sont sans doute fabriqués vers 1790 : les registres Erard mentionnent la fabrication de cinq instruments de ce type en 1791. Le plus ancien conservé, portant la date 1791, est au Musée de la Musique à Paris (l’instrument portant une étiquette apocryphe et la date 1790, dans une collection privée, nous paraît de quelques années postérieur).
Le rôle de Jean-Baptiste Erard (1749-1826), frère de Sébastien, ne paraît pas clair pendant ces premières années: si Pierre Erard affirme qu’il est présent dès les débuts, Fétis affirme qu’il ne vient aider son frère qu’à l’époque où celui-ci est à l’hôtel de Villeroy. Quoiqu’il en soit, les premiers instruments portent la mention « Sebastien Erard Parisis fecit », alors que par la suite les barres d’adresse intègrent la présence de Jean-Baptiste : « Erard et frère » ou « Erard frères ». En 1786, les deux frères forment la Société Erard.
En 1792, si l’on en croit Pierre, Sébastien est à Londres pour fonder la manufacture anglaise établie au 18 Great Marlborough Street (il y aurait eu selon plusieurs sources des voyages antérieurs en Grande-Bretagne), qui ne construit semble-t-il que des harpes (…).
Si les instruments précoces d’Erard, clavecin mécanique, piano organisé ou piano transpositeur, apportent déjà la preuve de son génie inventif, sa production courante antérieure à 1800 brille plus par la qualité de la réalisation et le raffinement que par l’originalité technique.
Les grandes inventions de Sébatien Erard marqueront de façon définitive la facture du piano et de la harpe. C’est tout d’abord la harpe qui est l’objet de toutes ses attentions : le double mouvement, qui révolutionne l’instrument, sera mis au point vers 1810, après plusieurs années de recherche. (…)
En réalité Sébastien pense en parallèle au piano : il dépose en 1808 le brevet fondamental pour les agrafes, et depuis au moins 1796 réfléchit au problème des notes redoublées : il rédige à cette date un mémoire concernant une mécanique de piano forme clavecin utilisant un « faux appui », qui permet au pilote de reprendre sa position avant que la touche ne soit complètement remontée.
Ces recherches aboutissent en 1805 au dépôt d’un brevet pour la mécanique à étrier, d’une belle ingéniosité, dont subsistent quelques exemples (musées de Bruxelles et Paris).
C’est une première étape conduisant à ce qui sera la solution définitive aux problèmes de répétition de notes : la mécanique à double échappement, brevetée en 1821, invention géniale qui est encore employée aujourd’hui à très peu de choses près dans le piano de concert du XXI° siècle….
Le double échappement, inventé par Sébastien à la fin de sa vie, sera en fait breveté par Pierre, digne successeur de son père, à Londres (désormais l’usine de Londres va aussi construire des pianos, et se spécialise dans la production du nouveau piano à queue). Sébastien, échaudé par « les angoisses, difficultés et déceptions » rencontrées lors de l’introduction de la harpe à double mouvement, ne se sent sans doute pas la force de mener à bien le combat commercial qui s’annonce. Il ne faut pas en effet imaginer que la trouvaille géniale de Sébastien Erard est adoptée du jour au lendemain : si Liszt s’en fait très vite le prosélyte, il est frappant de constater que jusqu’à la fin des années 1820, Erard continue à fabriquer en parallèle mécaniques nouvelles et anciennes. En 1834, lorsque Pierre Erard demande un renouvellement de son brevet anglais, il estime que ses pianos « sont très peu connus du grand public », et victimes « de fausses notions, résultant de rapports défavorables », quant à leur solidité en particulier.
C’est donc après la mort de Sébastien (1831) que toutes ses invention arrivent à maturité sur le plan commercial : c’est Pierre Erard qui en récolte les fruits. A la mort de ce dernier (1855), Erard est devenue la plus grande marque de pianos du monde, régnant sans partage sur la scène des concerts.
Bien qu’il n’ait pas vécu cette période faste, Sébastien a tout de même connu de son vivant un succès mérité : parti de rien, il finit sa vie Chevalier de la Légion d’Honneur (1827), et vit dans un château rempli d’œuvres d’art exceptionnelles (…)
Entre la mort de Sébastien et celle de Pierre, peu d’inventions majeures (seul brevet important, la barre d’harmonie pour les aigus en 1838), mais nombre d’améliorations qui vont dans le sens d’une plus grande solidité : semelle d’accroche en métal, sommier plus résistant, manches de marteau en une pièce remplaçant les manches en « échelle », très beaux mais un peu délicats, des premiers modèles.
Le résultat final, l’instrument de concert des années 1850, sera tellement abouti, que la firme d’Erard continuera sa fabrication jusque dans les années 1920, se contentant de renforcer ses éléments (…), d’améliorer la finition (barres du cadre), et d’adapter l’instrument quelque peu aux sonorités plus modernes (modification des tailles de marteaux, des épaisseurs de table, et des plans de cordes).